L'art campanaire
C'est un savoir-faire
C'est l'art du fondeur
Qui maîtrise le feu et le bronze
Et met tout son cœur
Pour préparer la fonte
C'est l'art du bâtisseur
Qui conçoit le campanile
Pour joindre l'agréable à l'utile
Et offrir à tous les heures
C'est l'art du carillonneur
Qui fait chanter l'airain
Avec mille refrains
Pour notre plus grand bonheur
C'est l'art du conservateur
Qui protège le patrimoine françois
Et met en valeur
Les cloches d'autrefois
L'art campanaire
C'est un savoir-faire
Eric Pierre (Clochésie, 1985)
La cloche, écho du ciel placé près de la terre ! Victor Hugo | L'airain retentissant dans sa haute demeure Lamartine |
Marguerite est bien vieille. Chaque fois que le battant heurte ses flancs, elle souffre le martyre. à l'approche de Pâques, Marguerite n'a pas envie de partir pour Rome faire provision de sujets en chocolat.
Il faut dire qu'à son âge, Marguerite voyage beaucoup sans se déplacer vraiment. Par les ouvertures de la tour où elle se trouve, elle voit le ciel, les nuages, les gouttes de pluie, les flocons de neige, le vol des oiseaux. Elle suit du regard l'oiseau qui passe et parcourt avec lui des villes et des campagnes. Entre les gouttes de pluie, elle observe des fontaines, des jets d'eau, des plages, des océans. Parmi les nuages, elle visite des ruelles, des avenues, des châteaux forts, des collines.
« Allez, on s'en va. » Ce jeudi saint, l'appel de son amie Marcelle, la plus grosse cloche de l'église, la laisse indifférente.
« Oh tu sais, cette année, je ne pars pas, je suis trop fatiguée, j'ai trop de courbatures. »
« Mais viens, ça te changera les idées... »
L'insistance de Marcelle ne réussit à pas la convaincre. Elle regarde ses collègues s'éloigner du clocher.
Quelques minutes plus tard, elle part à son tour sur les ailes de son imaginaire. Elle plane à travers les nuages, elle admire les places des villages, les verts pâturages, les ruisseaux. Au fil des heures, elle admire de longues plaines puis des montagnes majestueuses, des villes. Elle reconnaît le Forum, le Colisée, le Panthéon, la place Saint Pierre.
Elle fait le plein d'œufs en chocolat. Puis regagne ses pénates. Elle repasse au-dessus de montagnes, de plaines, de villes, de villages. Avant de regagner sa tour, elle se secoue au-dessus du parc communal puis du jardin de presbytère.
Marguerite a goûté à l'air frais, aux parfums du printemps. Elle a fait bon voyage. Elle se sent légère.
Lorsque Marguerite reprend ses esprits, Marcelle, Georgette et Jeanne sont à ses côtés.
Marcelle et ses amies semblent à bout de souffle. C'est Pâques, il est l'heure de sonner...
Dehors les enfants récoltent des œufs et les sujets en chocolat. Rien ne distingue ceux de Marguerite de ceux de ses amies. Personne ne devinera comment Marguerite a voyagé et accompli son devoir !
Micheline Boland (2006)
Micheline Boland est l'auteure de plusieurs contes à thème campanaire. Deux d'entre eux, La Cloche rêveuse et Petite Fugue, ont été publiés dans Contes à travers les saisons, Editions Chloé des Lys (Belgique) ; voir aussi son site web : http://homeusers.brutele.be/bolandecrits
CLOCHETTE
C
Cloche
Campane
Campanile
Campanaire
Campanologie
Campanologue
Campanographe
Campanographie
Campanophile
Campanophilie
Campanophobie
Campanomane
Campanomanie
O
Eric Pierre (Clochésie)
Mais où sont-elles ?
Les cloches de Courteille
L’église du Christ Roi
N’a pas retrouvé sa voix
Baptême, mariage ou enterrement
Les cloches, on les attend
Mais on ne les entend pas
Même le dimanche matin
Le jour des chrétiens
C’est la grasse matinée
Nous ne sommes pas réveillés
Monsieur le Curé, réfléchissez
Ça nous manque dans le quartier
Sur la place du Marché
Tout le monde se sent concerné
Et vous, membres de l’Evêché,
Qu’est-ce que vous en pensez ?
Madame Pottier (Alençon)
Extrait d'Orne hebdo, 16-09-2008
A ces gueules de bronze aux nids perchés si haut
Enchâssées dans le ciel et dominant la terre.
A ces gueules d'airain qui font parler la pierre
Depuis les fières tours qu’anime leur assaut.
A ces battants profonds à l'haleine mystique
Dont la vibration rappelle au cœur vivant
Que l'être incardiné dans ses os et son sang
A d'autres mouvements que celui du moustique.
A ces moutons de bois qui font corps avec elles
A ces roues et ces liens qu'il faut tirer si fort
A ces beffrois posés pesants comme la mort
Dormant du lourd sommeil des grandes sentinelles.
ô cloches vos prénoms sonnent comme folie
Votre baptême est loin, le temps s'est écoulé.
Dans un passé lointain le métal a coulé
Pour vous donner la vie qu'un évêque a bénie.
On vous a ennoyées avec les saintes huiles
On vous a honorées dans les fleurs et l'encens
On vous a engravées de la robe aux passants
De lettres et de mots écaillés comme tuiles.
Car vous êtes ornées, car vous êtes uniques
Vous portez inscriptions, datations, ornements
Vous êtes à la fois les fruits et les sarments,
Et vous vous suffisez à donner vos musiques.
Dans les matins de fête aux éclats bienheureux
Vos vastes bouches ennoient le monde qui s'anime
Et le sourd est heureux quand il remonte en cime
Pour battre le bourdon, grave et majestueux.
O cloches vous vibrez d'une vie de mystère
Vos aigus sont d'argent et vos basses d'or fin
Votre son qui nourrit vient combler notre faim
Et gonfler la grand voile du vaisseau de pierre.
Vos masses endormies sont pleines d'allégresse
Et touchent le tréfonds secret de l'être humain
Par delà l'horizon vos lourds manteaux d'airain
Ebranlent l'invisible énergie de tendresse.
La tour qui vous enferme, embrasée de puissance,
Devient la trompe immense du Buisson Ardent
Et l'homme enraciné sent de son œil dormant
Les écailles tomber et s'ouvrir sa conscience.
Vos gosiers de métal parlent tous les langages
Le bronze se fait chair et rend l'homme vivant.
Pouvait-on mieux choisir l'instrument captivant
Pour attester du Verbe et rendre témoignages ?
Et sur le grand chemin qu'ont suivi autrefois
Nos aïeux menacés par guerre et maladie
Il fallait du courage, il fallait, ô folie,
Le chant sacré des cloches pour garder la foi.
Fabien Haug (2008)
Autre poème :
Les Cloches et les Larmes