Des techniques de fabrication demeurées traditionnelles

Les techniques de fabrication utilisées par les fondeurs de cloches actuels n'ont guère évoluées depuis le Moyen Age même si certains d'entre eux ont introduit récemment l'ordinateur pour effectuer certains calculs. L'activité reste artisanale ; on pourrait presque parler d'œuvre d'artiste.

Sans entrer dans le détail des aspects techniques, disons que la fonte d'une cloche comprend trois principales opérations. D'abord le tracé pour déterminer la forme et les proportions de la cloche, le moulage qui lui donnera la forme d'après le moule, et la coulée. Le moulage d'une cloche se compose ainsi : le « noyau » ou espace du creux intérieur, la « fausse cloche », occupant la place du métal jusqu'au moment de la coulée, la « chape » recouvrant la fausse cloche et formant avec le noyau les deux murailles de terre cuite entre lesquelles le métal en fusion prendra place ; la « tête », qui recevra les anses nécessaires à la suspension et contiendra l'emplacement de l'anneau du battant.

Du fait que le moule est brisé après la fonte pour dégager la cloche, mais aussi parce que les inscriptions et les décors figurant sur chaque cloche lui sont spécifiques, il n'est pas exagéré de dire que les cloches sont des œuvres d'art uniques, tels un tableau ou une sculpture.

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De véritables œuvres d'art

Les cloches sont connues essentiellement par leurs usages civils ou religieux : cloches d'église ou de chapelle, cloches d'horloge ou de jacquemart, cloches de carillon, cloches de navire... et par leur caractère sonore qui en fait un instrument privilégié de communication (appel des fidèles, indication de l'heure, signal d'incendie ou célébration d'événements divers...) et de musique (les grands carillons du Nord). La cloche fait partie du paysage sonore en zone rurale et, dans une moindre mesure maintenant, dans les zones urbaines.

Cloche de Saint-Amans (48), 1631, détail

Cloche de Saint-Amans (48), 1631, détail

Généralement inaccessible, perchée en haut du clocher ou du campanile, la cloche est rarement vue de près. Pourtant la plupart d'entre elles, notamment les cloches d'église, méritent d'être admirées : les décors en relief constituent parfois de véritables tableaux, avec la représentation de la Vierge à l'Enfant, de saints (locaux ou plus connus), d'instruments de la Passion, de blasons ou de sceaux, de guirlandes de fleurs voire de représentations animales en tant que survivance du symbolisme religieux.

La quasi totalité des grosses cloches portent une date, la marque du fondeur et des inscriptions ; outre la mention des parrains et marraines, des autorités locales civiles ou religieuses, des donateurs, les cloches affichent souvent une formule dédicatoire ou laudative, évoquant la dévotion au Christ, à la Vierge ou aux saints ou exprimant les pouvoirs d'exorcisme et de protection de la cloche (contre l'orage, la tempête...). Quelques cloches comportent des inscriptions davantages liées aux événements historiques (au moment de la Révolution, après les guerres).

Œuvre d'art, la cloche est aussi un objet témoin : témoin historique par l'épigraphie qu'elle supporte, témoin sonore aussi, car son matériau n'évolue pas dans le temps et la sonorité d'une cloche ancienne que l'on entend maintenant est celle qu'entendait nos aïeux.

N'oublions pas non plus « l'art » du carillonneur, qu'il s'agisse du musicien actionnant son clavier « à coup de poing » ou du sonneur qui, encore dans certaines régions françaises, rythme à sa façon le « message » sonore destiné à la population environnante.

Il nous faut dire ici quelques mots sur les différentes façons de faire sonner les cloches. Les cloches de carillon et les cloches d'horloge ou de jacquemart sont tintées : un marteau, généralement externe, frappe sur la partie inférieure de la cloche ; les cloches d'église sonnent en volée : elles sont mises en branle par la corde (ou plus fréquemment par une chaîne actionnée par un moteur) qui agit sur un bras ou une roue, entraînant dans le mouvement la cloche et le joug qui la soutient. Ce mode met en jeu des forces importantes qui nécessitent un bon équilibrage pour ne pas mettre en danger la maçonnerie de l'édifice. C'est ce qui limite le poids des cloches dans nos contrées. Il faut savoir en effet que dans d'autres régions du monde, la sonnerie peut être provoquée par l'agitation du battant auquel est attachée directement la corde (tradition orthodoxe) ; le tintement peut être provoqué par un heurtoir horizontal en bois (tradition asiatique). Dans ces deux cas, la cloche est fixe et peut être plus grosse (les plus grosses cloches de ces contrées peuvent dépasser les 100 tonnes).

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Le cas des cloches gravées

Deux types d'inscriptions peuvent se rencontrer sur une même cloche, celles coulées dans l'airain (cas le plus courant) et celles gravées après la fonte. Comment expliquer cette particularité ?

L'indication du poids de la cloche s'inscrit tout naturellement après la pesée qui succède à la fonte. Pour les parrains et marraines, certaines monographies précisent qu'ils ne sont pas encore identifiés lors de la mise en œuvre des moules, d'où leur gravure tardive. Enfin lorsque la cloche est sortie de son lieu d'origine, elle peut recevoir un complément d'inscriptions gravées lié à son nouvel usage.

Il est aussi un autre cas de gravure : celle effectuée sur une cloche neuve coulée sans être commandée et exposée pour la vente dans la fonderie ou chez un commerçant.

Après le concordat, les saintiers sillonnent de nouveau le Sud-Ouest de la France pour fondre des campanes au pied des clochers. Certains d'entre eux se sédentarisent temporairement ou définitivement et construisent des ateliers fixes permettant de fondre en sécurité à tout moment de l'année.

La capacité du four à réverbère et l'espace de travail couvert des fonderies incitent à rentabiliser au mieux ces nouveaux outils de production. Les fosses de coulées sont alors complétées par des moules de cloches non commandées dont les fondeurs proposent ensuite la vente par prospectus publicitaires.

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