Le patrimoine campanaire est partie intégrante du patrimoine historique et culturel de la nation. A ce titre, il est protégé et la Commission supérieure des Monuments historiques lui prête une attention toute particulière. Comme cela s'est fait pour l'orgue, tout un travail de repérage puis de classement et de restauration est en cours. Au même titre que de prestigieux bâtiments, les cloches anciennes constituent une mémoire sonore et archéologique inestimable qui méritent d'être scrupuleusement préservée, ses « défauts » éventuels y compris.
Une politique de protection et de valorisation du patrimoine implique la connaissance de ce patrimoine, donc l'existence d'un recensement des objets considérés. Ce travail d'inventaire est en cours et fait l'objet d'initiatives multiples.
Pour mémoire, citons le travail considérable effectué au début du siècle par l'archiviste Joseph Berthelé, dont l'énorme documentation est actuellement stockée (mais guère accessible au public) par la Société d'histoire et d'archéologie de Montpellier. A ce travail de campanographie qui a couvert plusieurs régions françaises, ajoutons des travaux plus modestes, car généralement limités à un département ou une province, effectués par des érudits ou historiens en quête d'épigraphie. Tout ce travail, dont une grande partie a été publié, présente un intérêt historique certain mais ne peut en aucun cas servir de référence pour décrire la situation actuelle de la « population » campanaire dans les clochers de France : deux guerres nous séparent de ces inventaires, sans compter les vols et les refontes qui ont pu avoir lieu. Nous nous en apercevons bien lorsque l'on consulte les arrêtés de classement un peu anciens : plusieurs cloches « protégées » n'existent plus. Il faut donc aller « sur le terrain », monter dans les tours ou escalader les clochers, beffrois et autres campaniles pour faire un état des lieux.
Plusieurs initiatives sont en cours :
Comment couvrir la France en quelques années ? Une description détaillée de plusieurs centaines de milliers de cloches prendrait des décades et toutes les cloches ne méritent pas le même sort. Ce point a été longuement débattu au cours de récentes journées d'étude. Il en résulte que la collecte de l'information s'effectue à deux niveaux :
Pré-inventaire rapide à caractère départemental ou régional ; simple repérage in situ (indispensable, car les enquêtes par correspondance ne sont pas fiables) : nombre de cloches, état général de l'ensemble campanaire et de l'installation (y compris mécanisme d'horloge, jougs déposés...), détection des cloches apparemment remarquables (par leur ancienneté ou leur musicalité, leur décor, le contexte historique ou ethnographique...), remplissage d'une fiche sommaire par édifice visité avec mention de la localisation des cloches et des caractéristiques dominantes (en privilégiant le caractère sonore : aspect considéré comme prioritaire sur les aspects épigraphiques ou décoratifs, qui relèvent du 2e niveau).
Fiche mémo pour recueillir les données descriptives d'une cloche : description simplifiée.
Inventaire plus détaillé (lors d'un retour sur les lieux à la suite du travail de repérage) ; remplissage des fiches campanographiques mises au point par la SFC ; ce 2e niveau est parfois abordé directement lors d'un inventaire systématique d'une ville et lorsque l'on dispose d'une équipe suffisamment nombreuse (cas de Lille et de Paris). C'est à ce niveau que peuvent être faits les reportages photographiques, les enregistrements sonores et vidéo.
En fait, la tendance actuelle est de s'intéresser à « l'ensemble campanaire » plutôt qu'à la cloche isolée et à la seule partie métallique. De même, l'enregistrement des sonneurs de cloches en action et des coutumes particulières est considéré comme prioritaire (les cloches restent mais les traditions se perdent).
Il est difficile, pour l'instant, d'avancer des chiffres sur le patrimoine campanaire français. Il y a environ 4500 cloches classées, mais il est probable qu'il existe plus de 10 000 cloches « remarquables », antérieures au XIXe siècle ou présentant un intérêt culturel certain.
La Société Française de Campanologie a entrepris depuis 2008 la constitution d’une base de données collective décrivant les cloches existantes et les cloches disparues sur l’ensemble du territoire français en vue de reconstituer l’itinéraire des fondeurs ambulants et la production de cloches depuis le Moyen Age. Plus de 75 000 cloches sont d’ores et déjà répertoriées et consultables en ligne (accès réservé aux chercheurs contributeurs) ainsi que 572 carillons, sculptures sonores et roues à clochettes. Elle recense également les artisans fondeurs de cloches ayant exercé en France depuis le Moyen Age, soit plus de 5300 fiches biographiques mentionnant l’origine géographique du fondeur, ses liens de parenté ou d’apprentissage avec d’autres fondeurs, ses partenariats, sa marque de fabrique, etc.
Plan-type pour décrire un ensemble campanaire et son contexte : description d’un ensemble campanaire.
Dès le Moyen Age, des décors ont été mis sur la robe des cloches en complément des inscriptions, de la date et du nom de l'artisan fondeur. Il est constitué de frises et d'effigies (Christ en croix, Vierge à l'Enfant, représentation symbolique de saints, armoiries, feuillage naturel…). L'artiste qui réalisait ces décors, souvent très codifiés et conventionnels, n'est jamais connu. Le style des décors de cloches reflète plus ou moins le style artistique de l'époque. Dans de nombreux cas, le décor est plus ou moins identique d'une cloche à l'autre du moins chez un même fondeur. Au XIXe siècle, il arrive que des bourdons, ces cloches monumentales de quelques tonnes, soient particulièrement chargées en décors figuratifs et symboliques. C'est le cas de nombreuses cloches fondues par Gédéon Morel à Lyon. On peut aussi donner l'exemple de la Savoyarde de la fonderie Paccard. Ces cloches font partie d'un patrimoine artistique précieux.
Mais il nous faut léguer aux générations futures un patrimoine campanaire qui témoigne de notre époque, avec des décors en lien avec la pensée religieuse contemporaine ou les préoccupations actuelles de la société. En France, depuis quelques années, il arrive que les commanditaires de nouvelles cloches demandent au fondeur de faire appel à un artiste renommé pour concevoir un décor créé spécialement pour telle ou telle cloche ou ensemble de cloches. Ces « sculpteurs sur cloches » sont des artistes plasticiens qui tiennent compte de la spécificité de la cloche, car le décor ne doit en aucun cas altérer la qualité musicale de la cloche (donc ne pas dépasser une certaine épaisseur, par exemple). Parmi les artistes « campanaires », citons André Brasilier, Bernard Rousseau, Marc-Antoine Orellana, Virginie Bassetti, Philippe Chambault, Marie-Pierre Bel.
En février 2013, un ensemble exceptionnel de 9 nouvelles cloches a été livré pour la cathédrale Notre-Dame de Paris en vue de reconstituer la sonnerie qui existait avant la Révolution et qui avait fait la réputation de la cathédrale. A nouvelles cloches, nouveau décor. Huit cloches ont été décorées par Virginie Bassetti.
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Les cloches et leur sonnerie sont désormais « protégées » et valorisées par divers dispositifs institutionnels ou réglementaires :
Le patrimoine campanaire est un patrimoine sonore présent dans toutes les communes françaises, vivant mais parfois menacé par la destruction du bâti, souvent mal connu car caché, mais apprécié de nombreux habitants.
Se reporter au Guide pour demander la protection d’une cloche et à la Prodédure actuelle et évolution de la protection des cloches.
Bien que les cloches soient en bronze, elles ont une patine qui reste fragile. La SFC a émis quelques recommandations pour ceux qui souhaiteraient enlever les fientes de pigeons ou des traces de graisses ou de peinture.
Quelques blogs régionaux spécialisés dans la description photographique et audiovisuelle des ensembles campanaires :